L'étranger

Publié le par WLouve

 

Il venait du nord. Ses bottes grondaient sur le chemin de graviers secs. Ses yeux pleins de tempêtes ont bu d'une seule rasade le hameau gourd, les portes entrebâillées qui happaient les dernières chaleurs du jour, les hommes usés assis contre les murs à remâcher entre eux l'épuisement des moissons. Il leur a adressé un léger signe de la tête, n'a pas découvert ses dents.

 

Dans ce pays, on ne sourit pas, surtout pas pour désarmer la méfiance.

 

Il a marché jusqu'à la fontaine, au milieu de la placette, posé son sac  contre les pierres lissées par les siècles, rempli sa gourde d'un geste souple, le dos mitraillé de regards plus alertes. Il a détaché le foulard à son cou, l'a plongé dans le bassin et se l'est passé, dégoulinant de fraîcheur, sur le visage. Un vieux s'est approché de lui. D'une voix calleuse, il lui a lancé comme un caillou : « Il n'y a pas d'auberge ici ». L'homme a cligné les paupières contre la brûlure de la sueur mêlée à l'eau ruisselant de son front. Contre la brûlure des mots inhospitaliers. Il a acquiescé en silence, repris son sac et il a poursuivi sa route.

 

Plus loin, à l'écart du sentier, il a croisé un grand frêne dégingandé qui surplombait la vallée dévorée d'ombre. Il s'est allongé dessous, enroulé dans une couverture et la tête callée sur son sac, il a regardé fondre les pastels du ciel. L'Étoile du Berger ponctuait le crépuscule. Il n'était pas seul.    

 

 

 

 

Publié dans Les rêves de l'iguane

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